MISSION DMM - FORMATION AU
SURCYCLAGE
Camille, une jeune femme
passionnée par la couture dans le cadre de ses études universitaires, nous a proposé
une mission de 2 mois, de mai à juin, au CSM. Elle recherchait une association
à Madagascar qui propose des ateliers de couture. Elle a candidaté pour un
master en anthropologie sur le rapport au vêtement et Madagascar serait son
terrain de recherche. Ce master commençant en septembre, elle était libre pour
découvrir une partie du pays et sa culture, de partager sa passion de la
couture au sein d’une communauté. Elle a proposé une formation bénévole de deux
mois sur les bases du surcyclage, avec le soutien de l’association Des Mains
pour Madagascar (DMM). Cette offre était très intéressante pour l'atelier
de couture en complément de l'enseignement du formateur de l’atelier
couture, car elle propose d'autres possibilités dans l'économie circulaire. Cela
pourrait constituer une nouvelle offre commerciale, différente des vêtements.
C'est une formidable opportunité.
L'upcycling (ou surcyclage) est
la pratique qui consiste à retravailler un objet existant pour le transformer
en une autre version de meilleure qualité du même objet - ou en un autre objet
de valeur égale ou supérieure. L’upcycling transforme ainsi tous les objets
textiles considérés comme “déchets” (vêtements, nappes, draps de lit, chutes
textiles, stocks sans valeur...) en d'autres objets de qualité (sacs,
paillassons, couvertures, oreillers, etc
Ainsi, grâce à un peu de
créativité, des matériaux destinés à être jetés peuvent être transformés en objets
utiles et esthétiques. Ils peuvent même être revendus. Par exemple, les restes
de tissu après un projet de couture peuvent devenir un petit panier, un porte-clé
ou encore un sac. De la même façon, un vieux t-shirt peut être transformé en
sac à main original.
"Fanavaozana indray" n’est pas une pratique exclusive au textile. Elle est déjà courante à Madagascar
avec la réutilisation de matériaux voués à être jetés (canette, emballages,
pneus usagés…) pour réaliser des objets d’une nouvelle valeur (chaussures,
vie quotidienne, objets de décoration)
Objectifs à atteindre à
l'issue des deux mois :
- Enseigner les bases du surcyclage : récupération et tri, patchwork, tressage
et tissage et soutenir le développement de nouvelles méthodes d’upcycling.
- Structurer la récupération, le tri et à la valorisation des chutes au sein de
l’atelier de couture.
- Élaborer un document de suivi permettant d'assurer la pérennité de cette
formation à l'avenir.
Exemples de projets potentiels en fonction des gisements disponibles et des
besoins locaux :
Sacs « Tote Bags », Pochette et Trousse,
Chouchou, Pendentifs et porte-clés
Cette formation de deux mois a permis de voir notamment
les techniques suivantes :
- 1.Tri des matières
premières
- 2.Technique de broderie de chutes
(inspirée du travail de Billie Zangewa)
- 3.Techniques de patchwork
(bemiray) avec ou sans patron
- 4.Technique de la torsade
- 5.Technique du tissage (tenona)
sur métier en bois simple
- 6.Réalisations d’objets plus ou
moins petits utilisant les surplus : porte clé, porte-monnaie, mobile pour
enfants, …
- 7.Cas pratique avec les chutes
d’une marque : optimisation des chutes, élaboration de prototypes alignés à la
ligne directrice de la marque, proposition de vente

Deux groupes ont été constitués :
Le groupe 1, composé d'environ 20 apprenants âgés de 17 à 63 ans. Les sessions de cours pour cette promotion avaient lieu les lundis et mardis, de 8h30/9h à 15h30/16h. Le niveau des apprenants est débutant à intermédiaire (stagiaires).
Le groupe 2, composé d'environ 10-15 apprenants âgés de 17 à 63 ans. Les sessions de cours pour cette promotion avaient lieu les mercredis et les jeudis, de 9h à 15h30. Le niveau des apprenants est intermédiaire à avancé (couturières confirmées).

Compétences visées :
- Valoriser les chutes textiles habituellement considérées comme des déchets.
- Développer des savoir-faire spécifiques pour le travail à partir de chutes de petites et très petites dimensions.
- Expérimenter l’association de couleurs et de matières afin de stimuler la créativité personnelle.
- Acquérir une pratique de couture manuelle exigeant précision et minutie
- Travailler sa créativité
Commentaires : Lors des temps d’échange sur la formation (évaluation des élèves), les apprenti.e.s ont fait remonter le besoin de travailler leur créativité.
Il a été énuméré les conseils suivants :
- Ne pas avoir peur du laid.
- Tenter des choses nouvelles qui ne semblent pas communes.
- Être curieux.se et ouvert.e d’esprit.
- Prendre confiance en soi et observer la créativité déjà possédée
Des certificats de formation ont été remis aux stagiaires lors d’un moment de partage et de convivialité entre les apprenties et leurs formateurs.
L’évaluation et le projet final de cette formation ainsi que de sa poursuite après départ de Camille, ont pu être discutés avec les responsables du centre. Des projets potentiels ont été évoqués avec des marques tananariviennes, notamment concernant la revalorisation de leurs chutes. L’équipe du Centre est motivée pour évoluer dans les pratiques de l’atelier couture et bénéficier au mieux de tous les apprentissages. Pour comprendre les enjeux, il faut s’intéresser à l’industrie textile et au
marché de seconde main à Madagascar.
L’Industrie textile à Madagascar :
Nous avons pu voir récemment des reportages concernant l’industrie textile à Madagascar. C’est le premier pays d'Afrique subsaharienne pour les exportations de textiles vers l'UE et le troisième vers les États-Unis. L'industrie textile est le plus grand employeur formel de Madagascar, avec près de 400 000 emplois, principalement autour des villes d'Antananarivo et d'Antsirabe. Dans les années 1980-90, et ce pour redresser son économie après l’indépendance, Madagascar emploie une politique du libéralisme en facilitant les exports vers l’étranger. Le pays met en place des zones franches (i.e. des zones industrielles où les règles sont spécifiques, important une matière première, la transformant sur place puis la réexpédiant à l’étranger.), concentrées sur l’industrie textile. Les zones franches représentent en 2017 environ 20% de l’emploi formel du pays et emploient majoritairement des femmes (71% en 2007) et des jeunes - nouvellement diplômés ou ayant quitté les études. Les usines situées à Madagascar sont majoritairement des sous-traitants d’entreprises étrangères. Les matières premières sont importées sur le pays, retravaillées à Madagascar et exportées sous forme de produits finis vers l’extérieur. Bien que les zones franches offrent un travail à une partie de la population, plusieurs problèmes persistent : les salaires sont très bas, et la dépendance de Madagascar à l’extérieur provoque des chômages techniques réguliers qui impactent fortement les travailleurs.
Le marché de la seconde main à Madagascar
Madagascar importe environ 80,000 tonnes de friperie chaque année (L’Express Madagascar, 2025). En 2005, cette quantité était de 2,000 tonnes. Ces vêtements, à prix compétitifs et suivant les tendances, menacent le marché textile local, réduisant les achats de vêtements fabriqués localement. Les déchets textiles ne sont pas triés et séparés des autres déchets ménagers. Il y a de forte chance qu’ils soient incinérés ou jetés avec les autres catégories de déchets. Le système de traitement des déchets à Madagascar est un système de traitement linéaire. Cela signifie que l’objectif premier est de sortir les déchets de la zone d’agglomération. Le déchet n’est pas traité, il est mis en décharge. La décharge de la ville d’Antananarivo se situe à Andralamitra. Elle est considérée comme “saturée” au moins depuis 2015 et a dépassé sa capacité d’accueil de déchet de 5 hectares (13 hectares possible et plus de 18 hectares de déchets aujourd’hui. En 2015, 2% des déchets d’Antralanitra étaient des déchets textiles. La saturation de la décharge d’Andralanitra a des effets néfastes sur ses environs et ses habitants.

Un grand merci à Camille qui, dans des conditions de vie très difficiles à Antananarivo, a réussi son objectif, a semé des petites graines d’espoir et donné de nouvelles perspectives aux ateliers de couture du CSM. Nous lui souhaitons de réussir dans la poursuite de sa formation en master.